Ce mardi 5 décembre, la cérémonie de la Journée Nationale d’Hommage aux Morts pour la France pendant la Guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie a eu lieu au Monument aux Morts de Beaucaire en présence de Julien Sanchez et de nombreux élus municipaux.
Voici l’intégralité du discours prononcé par le maire de Beaucaire à cette occasion :
« Mesdames et Messieurs les élus, Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires, Messieurs les porte-drapeaux, Mesdames et Messieurs les Déportés, Résistants et Anciens Combattants, Chers amis Beaucairoises et Beaucairois, Mesdames, Messieurs,
En tant que fils et petit-fils de pieds noirs, je suis particulièrement ému d’être ici aujourd’hui devant vous.
Les combats en Algérie Française, au Maroc et en Tunisie laissent des plaies particulièrement vives chez beaucoup de nos compatriotes, encore aujourd’hui.
Les nombreux morts, la cruauté particulière de ceux qui les ont tués, doivent nous empêcher à jamais d’oublier ces moments.
A une époque où nous donnons tout à des clandestins qui arrivent sur le sol Français en n’ayant aucun lien avec la France, il est important de rappeler dans quelles conditions ont été accueillis nos pieds noirs et les Harkis.
N’oublions jamais cela et rappelons que les Français et ceux qui se battent pour la France devraient pouvoir en France être traités mieux que quiconque. En France, nous devrions pouvoir aider les nôtres avant les autres.
Je pense aujourd’hui aux Français, aux pieds-noirs, aux Harkis, français par le sang versé, à qui je voudrais rendre un hommage particulier.
Ils ont en effet subi un vrai crime contre l’Humanité dans lequel le gouvernement français a eu des responsabilités écrasantes.
Les survivants et leurs familles, ont été parqués dans des camps de la honte dits camps de transit et de reclassement à leur arrivée en France, comme à Rivesaltes ou à Saint-Maurice-l’Ardoise.
Insalubrité, absence d’eau courante, déséquilibres alimentaires, superficie insuffisante face au nombre de personnes, conditions de vie déplorables entraînant dépression et parfois troubles psychologiques. C’était ça les camps où l’on parquait ces Harkis qui avaient choisi la France.
Ceux qui se sont intéressés à cette période, ceux qui l’ont vécue, ceux qui ont vu les photos de ces massacres, savent combien cette guerre a été particulièrement sale.
Un proverbe kabyle le dit bien « On ne meurt vraiment que lorsque plus personne ne pense à vous ».
Alors aujourd’hui je voudrais que nous pensions tous à eux, à ce qu’ils ont donné, à ce qu’ils ont subi.
Plus généralement penser à tous ceux morts pour la France pendant la Guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie.
Nous ne vous oublions pas, vous qui avez été sacrifiés.
Aujourd’hui, la mode est à la repentance.
Nous qui avons tant souffert devrions nous excuser.
Jamais !
Le Président de la République que les Français ont élu a osé pendant sa campagne électorale s’en prendre aux pieds noirs.
J’ai honte pour cet ignorant.
Car quand je repense à mon grand-père, je n’ai vu aucune haine chez lui.
Il était en Algérie pour y travailler la terre, pour y mettre tout son cœur, toute son énergie. Sans haine pour les algériens. Sans haine pour personne.
Alors faire passer les pieds noirs pour des agresseurs, pour des salauds, c’est méconnaître l’histoire.
Concernant l’Algérie, je voudrais à nouveau rappeler combien l’apport de la France y a été essentiel.
– Nous y avons défriché, drainé, asséché et fertilisé un sol à l’abandon depuis des siècles. Nous y avons créé une agriculture prospère et exportatrice, alors qu’aujourd’hui l’Algérie doit importer des produits de la terre.
– Nous y avons construit des villes modernes, là où il n’y avait rien.
– Nous y avons créé une industrie métallurgique là où ne se trouvaient que des cailloux
– Nous y avons construit 12 grands barrages
– Nous y avons implanté un immense réseau de postes et de télécommunication, y avons développé l’hôtellerie et le tourisme, y avons créé une industrie chimique et développé le gaz et l’électricité
– Nous y avons installé un réseau ferroviaire considérable et 54000 kilomètres de routes (non compris les pistes)
– Nous y avons construit notamment 23 ports, 34 phares et 23 aéroports
– Nous y avons apporté aussi la médecine, les nombreux dispensaires et hôpitaux et avons permis aux 2 millions d’autochtones qu’ils étaient en 1872 d’avoir 9 millions de descendants en 1962
– Nous y avons éradiqué la peste, le choléra, la variole, le typhus et bien d’autres
– Nous y avons apporté un enseignement de qualité
Alors non, nous n’avons pas à rougir de ce qui s’est fait en Algérie car nous avons développé le pays et nous y avons apporté du bien.
Beaucoup d’Algériens ont d’ailleurs à l’époque regretté notre départ.
Face à tous nos bienfaits, nous nous souvenons pourtant tous de ce choix qui n’en était pas un et qui nous a été imposé : la valise ou le cercueil… Oui, si les pieds noirs n’avaient pas été chassés, l’Algérie ne serait pas aujourd’hui dans l’état désastreux dans lequel elle se trouve et la France et les Français n’ont pas à faire acte de repentance.
Penser à tous nos morts en Algérie AVANT COMME APRÈS le 19 mars.
C’est pour cela que la Ville de Beaucaire a débaptisé la rue du 19 mars 1962 pour la rebaptiser « rue du 5 juillet 1962 », sous-titrée « Massacre d’Oran, à nos morts », non pas pour insulter les combattants, bien au contraire, mais pour ne pas oublier tous ceux qui sont morts en Algérie après cette date du 19 mars.
Nous espérons que chacun l’a compris comme cela, même si chacun ne partageait pas ce choix à l’époque.
Plus que tout, par respect pour ceux qui sont tombés et par respect de notre Histoire, nous devons définitivement en finir avec une repentance qui n’a pas lieu d’être.
A nos frères, nos pères, nos grands-pères, nos amis. A nos morts en Algérie Française, au Maroc et en Tunisie.
Je vous remercie. »